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Professionnel.le et autiste

Collaboration spéciale : Solène Métayer, M.Sc.

« Vous avez un employé qui dit toujours la vérité et qui a le don de créer un malaise, c’est peut-être parce qu’il est autiste! » Louis T.

Le saviez-vous?¹

Bill Gates, Mark Zuckerberg, Marie Curie, Albert Einstein, Thomas Edison, Courtney Love et Stanley Kubrik sont tous soupçonnés d’être autistes.

À visionner : Apprenti autiste

Qu’est-ce que le trouble du spectre de l’autisme (TSA)?

Selon la Fédération Québécoise de l’autisme (FQA), « le trouble du spectre de l’autisme fait partie de l’ensemble des troubles neurodéveloppementaux décrit dans le DSM-V. Il se caractérise par des difficultés importantes dans deux domaines, soit la communication et les interactions sociales et les comportements, activités et intérêts restreints ou répétitifs. »

« L’autisme vient souvent avec une ou plusieurs comorbidités, c’est-à-dire un problème médical autre qui s’ajoute presque de facto (…) dont l’anxiété et la déficience intellectuelle »².

Professionnelle et autiste : une tranche de vie

« Être à une conférence super intéressante. Vouloir tuer la traductrice qui parle en même temps que le conférencier. Avoir l’air bizarre parce que je porte mon casque anti-bruit. »

Je vous présente Solène Métayer, autiste à haut potentiel intellectuel!

« Le meilleur patron et la meilleure équipe que j’aie jamais eus, c’est à la mi-vingtaine qu’ils ont croisés mon chemin. Je travaillais dans une équipe tissée serrée où ma différence était acceptée, bien qu’à l’époque je n’aie pas su la nommer faute de diagnostic. J’étais parmi les originaux de l’équipe, ceux qui pensaient à des solutions innovantes dans un milieu où le fameux « nous avons toujours fait ça comme ça » était maître.

Des conditions gagnantes

Mon atout, c’est que je respectais toujours les règles, tant les règlements internes que les nombreuses conventions collectives qui régissaient le personnel. Je les connaissais sur le bout des doigts et j’étais ainsi capable de naviguer parmi toutes ces obligations et ces limitations sans jamais m’enliser.

Par ailleurs, mon patron était quelqu’un d’allumé, qui ne s’offusquait pas qu’on le remette en question si nous avions de bons arguments : le rêve!

C’était un emploi idéal pour moi parce que j’étais très autonome, tout en ayant une équipe solide à consulter au besoin. Mon principal irritant était le téléphone, mon compagnon de tous les instants; heureusement, mes appels étaient la plupart du temps des scénarios bien rodés, ce qui m’évitait de devoir improviser.

Le stress inhérent à mes fonctions ne m’atteignait pas : j’avais des tâches bien précises à effectuer, je savais quoi faire, bref la situation pouvait être urgente voire catastrophique sans que ça ait un impact sur mes émotions. En fait, je m’amusais. Tant et aussi longtemps que la démarche à suivre était claire, je n’étais jamais prise au dépourvu. Pour les autres situations, j’avais une expérience suffisamment étoffée pour avoir des idées et une équipe généreuse pour me souffler des solutions.

Des solutions à ma portée

Mon bureau avait toutefois deux défauts majeurs. En premier lieu, il était à aire ouverte, alors que tous mes collègues parlaient constamment au téléphone. C’était utile dans la mesure où j’entendais absolument tout, y compris les informations pertinentes pour mon propre travail; c’était un peu moins évident quand je devais me concentrer. Avec le temps, j’ai appris à faire abstraction de cette cacophonie, mais je sais maintenant pourquoi j’étais particulièrement fatiguée après le travail. Je comprends aussi pourquoi j’étais toujours consciente des mouvements autour de moi, de l’imprimante qui fonctionnait, des touches de clavier enfoncées à toute vitesse, etc.

Quelques années plus tard, j’ai eu l’idée de mettre mon casque de téléphone sur une oreille et un écouteur dans l’autre, ce qui me permettait de ne rater aucun appel sans pour autant être dérangée par le bruit.

En deuxième lieu, ce bureau était rempli de néons. Nous avions d’immenses fenêtres sur deux côtés de la pièce, mais en raison des paravents qui séparaient nos bureaux, il fallait une deuxième source d’éclairage. Pire encore, l’un de ces néons était directement au-dessus de ma tête. Pendant quelques mois, il a été défectueux et j’ai demandé qu’il ne soit pas remplacé, mais éventuellement j’ai perdu ma cause. J’ai donc trouvé un plan B : avoir une petite lampe avec une lumière chaude. Au moins, la froideur et la luminosité du néon étaient ainsi un peu cassées.

J’ai également ajouté plusieurs plantes, qui elles étaient heureuses de toute cette lumière et réchauffaient quelque peu mon espace de travail. Mon cubicule a été surnommé « le salon » par mon patron, ce qui ne l’a pas empêché de me laisser faire.

Je retiens de cette période que j’étais entourée de personnes qui me complétaient, qui acceptaient mes bizarreries et qui me mettaient toujours au défi de me dépasser. J’étais donc suffisamment confortable pour être moi-même et pour passer outre les irritants; bref, j’étais incluse. »

***

Solène Métayer, M.Sc. est une passionnée de l’inclusion de la neuroatypie. « Nietzsche disait que « la conformité est la mort de l’âme »; je m’applique donc à cultiver la différence pour préserver l’âme des entreprises et des travailleurs. »

À lire : Neurotypiques et neuroatypiques : la neurodiversité en formation

Être autiste, c’est quoi…selon une autiste?

Du point de vue de Solène Métayer, c’est une manière disctincte de penser et de percevoir le monde de celle des neurotypiques. Par exemple :

Le travail et l’autisme : le point de vue de Louis T.

« Ce qui m’écœure le plus, c’est de serrer des mains! » Louis T.

Louis T. est humoriste… et autiste. Il est aussi porte-parole d’Autisme sans limites.

Autisme sans limites* « est un organisme de bienfaisance visant l’épanouissement et l’inclusion sociale des adultes autistes sans déficience intellectuelle. »

« Le travail est une des facettes couvertes par l’organisme. Il y a présentement un beau mouvement, des employeurs qui sont de plus en plus fiers de participer à ce mouvement d’inclusion et de diversité! », affirme Louis T.

Son point de vue sur l’autisme et le monde du travail est intéressant.

« Les autistes ont quelque chose de spécial, ils voient la vie différemment. Bien que la plupart des autistes doivent travailler sur leur rigidité, les employeurs, eux, doivent travailler sur la flexibilité. Cela créera inévitablement une relation nourrissante de chaque côté », mentionne-t-il.

Selon lui, l’autisme est le cheval de Troie pour la diversité. « S’ouvrir à la différence devient inspirant car, si les employeurs s’ouvrent à comprendre un employé, ils s’ouvrent automatiquement à comprendre tous les autres employés, qu’ils soient autistes, TDAH, etc. » Louis T. est évidemment conscient que tout cela peut demander beaucoup d’efforts et de mesures adaptatives pour l’employeur…tout en sachant que ce ne sera pas toujours parfait, non plus.

« On dirait que tu ne comprends pas les humains? », « On dirait que tu es un robot! », « T’es don’ bien froid! », « T’as l’air snob…! »… Louis T. s’est souvent fait passer ce genre de remarques.

Selon lui, l’employabilité et l’autisme sont une histoire de flexibilité et de compréhension entre l’employé et son employeur : « En période de stress et si la personne vit de l’anxiété, soyez compréhensif de ses limites et laissez-lui du temps ». Il va sans dire que ce raisonnement peut ensuite s’appliquer à tous les employés… et c’est la culture toute entière qui pourra en bénéficier!

Un dernier conseil? La différence peut être une force. « Les forces des gens peuvent être différentes des autres mais peuvent être utiles pour la société. » « N’hésitez pas à utiliser les forces et les réflexions des extraterrestres (lire : des personnes autistes)! »

*Pour les employeurs qui seraient intéressés à offrir des journées de stages dans leur entreprise, vous êtes invités à communiquer directement avec l’organisme.

Les supers-pouvoirs d’un professionnel autiste

« Au Québec, le taux de chômage des personnes atteintes du syndrôme d’Asperger est de 40% »³. « Les employeurs ne devraient toutefois pas hésiter à engager un professionnel autiste, selon Solène, car « ces personnes présentent généralement des qualités rares et souvent recherchées par les entreprises », soit :

Trucs & astuces pour un autiste : réussir son intégration dans un nouvel emploi

Vous êtes autiste et vous souhaitez réussir l’intégration dans votre nouveau poste? Voici quelques conseils prodigués par Solène :

11 conseils à l’employeur pour faciliter l’inclusion d’un autiste dans une équipe de travail

  1. Faites preuve d’ouverture d’esprit
  2. Fournissez des consignes claires, par écrit
  3. Sensibilisez les employés et les gestionnaires
  4. Accordez-lui des pauses, au besoin
  5. Laissez-lui le temps de s’adapter
  6. Donnez-lui, au besoin, davantage de temps pour accomplir les tâches
  7. Offrez-lui l’option de ne pas participer aux activités sociales, sans appliquer de conséquence
  8. Aménagez un lieu pour que la personne puisse s’isoler
  9. Validez sa compréhension de vos instructions
  10. Demandez-lui ses besoins
  11. Proposez-lui des solutions (voir tableau ci-dessous)

Inspiré de : Marie Lauzon, B.D.I. : Liste de vérification de l’accessibilité pour les personnes neuroatypiques, document de travail non publié, nov. 2018

Accessibilité & solutions

Nombreux peuvent être les obstacles pour un professionnel autiste lorsqu’il intègre votre organisation. Voici quelques solutions potentielles à lui proposer et à essayer :

Obstacles potentiels (sensoriels ou moteurs) Solutions potentielles
Niveau de bruit important Casque anti-bruit

Bureau fermé

Bureau individuel

Paravent de bureau

Télétravail

Bruits soudains ou inattendus
Bruits répétitifs
Bruit de fond en continu (ex. : radio, musique)
Voix fortes (ex. : collègues, enfants)
Lumières clignotantes ou fortes, ou lieu en plein soleil Fenêtre

Absence de néons

Ajout d’une lumière chaude

Verres fumés ou teintés

Stores

Flash de type photographique ou lumières clignotantes
Éclairage fluorescent (néons)
Aucune lumière naturelle
Mouvement visuel marqué (objets ou personnes) Bureau fermé

Paravent de bureau

Télétravail

Révision de l’organisation du poste de travail

Odeurs fortes / chimiques / corporelles / parfum Éloignement de la source

Sensibilisation

Bureau fermé

Télétravail

Odeurs de nourriture
Ventilation mécanique (ex. : air poussé, ventilateur) Éloignement de la source

Casque anti-bruit

Ajustement individualisé (par bureau)

Télétravail

Air climatisé / sans climatisation
Chauffage / sans chauffage
Foule ou lieu rempli de monde / site achalandé Salle de repos / d’isolation

Pauses

Sensibilisation

Horaire fourni à l’avance

Respect des limites sensorielles

Contact physique socialement attendu (ex. : poignée de main, bise)
Socialisation attendue (ex. : présentations, réunions)

Inspiré de : Marie Lauzon, B.D.I. : Liste de vérification de l’accessibilité pour les personnes neuroatypiques, document de travail non publié, nov. 2018

Ressources pour les professionnels autistes

Voici une liste de ressources pertinentes qui sont en mesure de bien vous accompagner et vous soutenir dans la gestion de votre carrière.

Ressources pour les employeurs

Ces ressources peuvent vous accompagner et vous soutenir dans l’embauche et la gestion d’un employé autiste au sein de votre organisation.

*Le masculin a majoritairement été utilisé afin d’alléger le texte

Sources et autres liens pertinents

1-2-3 Apprenti autiste