Offboarding – gestion de la fin d’emploi

Offboarding – gestion de la fin d’emploi

Collaboration spéciale : Charlène Brahim

Il était une fois, une belle fin d’emploi. En fait, ce fût de loin la plus belle fin d’emploi que j’ai réalisée. Elle s’est déroulée lorsque j’ai dû remercier une collègue de travail dans le cadre d’une restructuration.

Je me souviens encore de la journée où j’ai engagé Nathalie*. Un coup de coeur. La suite avait confirmé mon intuition. C’était une employée performante, souriante et un atout clé à notre équipe administrative. Malheureusement, c’était aussi la dernière embauchée.

  • Moi – un jeudi en fin de journée : « Allô Anita*, est-ce que ton client est toujours en recrutement pour son poste administratif? »
  • Anita – une partenaire recruteuse : « Oui, il doit prendre une décision sous peu… Pourquoi? »
  • Moi : « Fais-moi confiance et dis à ton client d’attendre avant de prendre sa décision finale, qu’il recevra un superbe CV lundi!  »
  • Anita : « Ok! Laisse-moi l’aviser. J’attendrai le fameux CV. Bonne fin de semaine! »

Anita et moi s’échangions souvent des courriels. Il n’était pas rare qu’elle me dise « J’ai un très beau poste à combler dans une superbe entreprise, si jamais tu connais une perle ! »  Anita et moi partagions les mêmes valeurs professionnelles et une grande confiance s’était établie entre nous.

J’ai dû remercier Nathalie le vendredi, comme prévu. Sous le choc évident de la nouvelle, elle m’a néanmoins autorisée à faire parvenir son CV à Anita, qui l’a ensuite acheminé à son client le lundi suivant. Durant cette même semaine, Nathalie a non seulement passé une entrevue chez le client d’Anita, mais elle a également été embauchée par celui-ci.

Nathalie est finalement restée en poste chez ce fameux client durant 7 belles années!

*Les noms ont été modifiés pour préserver l’anonymat.

***

Si je vous demandais quelle est la plus belle fin d’emploi que vous ayez vécue, que me répondriez-vous? Sauriez-vous me dire pourquoi vous considérez cet événement marquant comme un souvenir positif?

Alors que le onboarding (processus d’accueil & d’intégration) est bien bichoné par les temps qui courent, force est de constater qu’en opposition le offboarding (processus de fin d’emploi) est pour sa part souvent négligé.

Or, la marque employeur doit impérativement assurer sa présence et se vivre jusqu’à la toute fin de l’« expérience employé.e »… soit jusqu’à ce que l’employé.e quitte l’entreprise pour laquelle il.elle a été embauché.e.

Qu’est-ce que le offboarding?

Le mot offboarding signifie « débarquement ». Il est employé dans la fonction RH pour nommer le processus de gestion des départs, que ceux-ci soient volontaires (une démission) ou involontaires (un congédiement, un licenciement, etc.).

L’offboarding regroupe donc tous les processus reliés à la fin d’emploi. Celui-ci doit idéalement être réfléchi, cohérent et humain afin de faciliter la transition (idéalement harmonieuse) une fois l’employé.e parti.e.

Conséquences d’une mauvaise fin d’emploi

Mettre en place un processus de fin d’emploi est utile et stratégique à bien des égards. Ne pas s’en soucier peut, en contrepartie, avoir des conséquences significatives et négatives pour l’entreprise.

Les conséquences d’une mauvaise fin d’emploi sont évidemment nombreuses et coûteuses. En voici quelques-unes :

Conséquences à l’interne 

  • Une marque employeur et une expérience employé.e entachées
  • Une perte de confiance et une démotivation au sein de l’équipe de l’employé.e qui a quitté
  • Un affaiblissement du référencement interne (cooptation)
  • Des litiges potentiellement très coûteux, principalement lorsque les obligations légales ne sont pas respectées

Conséquences à l’externe

  • La perte d’un.e joueur.euse clé, c’est-à-dire la perte d’un.e ambassadeur.rice externe qui aurait pu éventuellement continuer de faire rayonner la marque de votre entreprise, même après avoir quitté l’organisation
  • Une gestion de crise ou une gestion des relations publiques, dans le cas où une fin d’emploi dérape jusqu’à devenir publique

Quand les conséquences sont désastreuses…

«Cinq morts dans une tuerie au siège social de Molson Coors à Milwaukee ». 

Ce titre faisait malheureusement les manchettes au début de l’année 2020. Le tireur avait été licencié plus tôt dans la journée.

On comprend que cette fin d’emploi fût probablement la goutte qui a fait déborder le vase…

Par contre, est-ce qu’un geste de plus aurait pu être posé ? Est-ce que ces vies auraient pu être sauvées? 

Dans pareille situation, l’employeur a une obligation de moyens et non de résultats, ce qui veut dire que le.la professionnel.le RH, soutenu.e par la direction, doit mettre en place un processus rigoureux et s’assurer que la personne remerciée ait toutes les ressources en main pour absorber et vivre le choc que peut souvent occasionner une fin d’emploi.

Qu’est-ce qu’on peut faire? Voici quelques exemples d’actions concrètes pouvant être déterminantes :

  • Se former et s’informer afin de développer des réflexes en matière de prévention en santé psychologique. Être à l’affût des signes de détresse lors de la rencontre, écouter son intuition
  • Ne pas hésiter à utiliser soi-même, en tant que gestionnaire, les ressources à sa disposition pour bien se préparer à la rencontre de fin d’emploi avec l’employé.e remercié.e (PAE offert par l’employeur, soutien d’un.e pair ou d’un.e mentor.e, par exemple). Réfléchir au filet de sécurité à mettre en place
  • Remettre à l’employé.e remercié.e une feuille regroupant toutes les ressources qui pourront l’aider et le guider au cours des jours qui suivront la rencontre, tels que le numéro de téléphone du programme d’aide aux employés (PAE), les coordonnées du CLSC à proximité de son lieu de résidence, les organismes de soutien tel que Suicide Action Montréal. Ces ressources peuvent souvent faire toute la différence
  • Prévoir la présence d’un.e agent.e de sécurité ou d’une tierce personne si vous craignez que la rencontre ne dérape ou si vous anticipez une escalade de violence à la suite de l’annonce de la fin d’emploi
  • Payer le transport en taxi à l’employé.e remercié.e qui ne serait pas apte à prendre sa voiture pour retourner à la maison

Un pas de recul…

Il est important, lorsque l’on réfléchit au processus de fin d’emploi d’une entreprise, de prendre un pas de recul et de déterminer ce qui est cohérent pour l’organisation, de réfléchir à la façon dont nous souhaiterions terminer l’aventure (ce que j’appelle « la relation d’affaires ») avec les employé.e.s.

  • Que souhaitez-vous que vos employé.e.s retiennent de leur parcours professionnel chez vous, de leur fin d’emploi?
  • Quelles valeurs pouvez-vous/voulez-vous véhiculer par le biais de comportements ou d’actions lors de vos fins d’emploi?

Prenez le temps de vous mettre dans leurs souliers afin de bonifier et d’humaniser votre processus!

Réussir une fin d’emploi en 7 étapes

Il est important de bien réfléchir à votre plan de communication et aux étapes clés qui sont en lien avec votre processus de fin d’emploi. Je vous ai d’ailleurs créé une feuille de route de fin d’emploi qui vous permettra de ne rien oublier. Vous serez alors en mesure de répondre à vos obligations tout en étant cohérent.e avec votre culture et vos valeurs organisationnelles!

  1. Prendre le temps de réfléchir à l’offre (package) de départ
  2. S’assurer de répondre à vos obligations légales: pour les cas de congédiement ou de licenciement, entre autres
  3. Maintenir une équité et une cohérence dans les fins d’emploi au sein de votre organisation
  4. Transposer les valeurs de l’entreprise en gestes cohérents et probants
  5. Vous mettre dans les souliers de l’autre afin d’humaniser le processus: on souhaite que l’employé.e quitte avec dignité!
  6. Respecter les étapes de votre processus de fin d’emploi
    • Suivre votre feuille de route
    • Planifier les communications et les rencontres
    • Préparer les documents nécessaires à la fin d’emploi
    • Vérifier la liste des équipements ou autres que l’employé.e doit remettre à l’employeur
    • Etc.
  7. Lorsque la situation y est propice : procéder à une entrevue de départ

Le saviez-vous?

Une bonne fin d’emploi peut favoriser le retour d’un.e ancien.ne employé.e. On les appelle les employé.e.s boomerang. On estime à environ 15%¹ le nombre d’employé.e.s qui reviennent chez leurs anciens employeurs.

Éliane Sauvageau-Grenier est Conseillère, acquisition de talents chez Humanify360. Engagée en mai 2017, elle a quitté l’organisation en février 2019. 

« Humanify360 était mon premier emploi en terminant mes études. J’ai quitté pour explorer comment c’était ailleurs, pour essayer le côté entreprise », mentionne Éliane.

« Lors de mon départ de chez Humanify360, la fin d’emploi s’est passée dans le respect mutuel, dans l’écoute, l’échange et l’ouverture. »

Vous l’aurez compris, Éliane est revenue chez Humanify360 en juin 2020, après avoir exploré ce qu’était ce fameux « ailleurs ».

Pourquoi être revenue dans son ancienne famille professionnelle?

« Parce qu’ « ailleurs » ce n’était pas « chez moi ». Je souhaitais retrouver un endroit dans lequel je pouvais me permettre d’être authentique, vulnérable. Je souhaitais continuer de partager dans un milieu où on rit tous les jours, où tes collègues sont à la fois tes amis, où le travail d’équipe, la collaboration, la transparence et l’authenticité sont de mise, où je me sens à ma place, sans filtre. Je me suis rendue compte que j’avais besoin d’évoluer professionnellement dans un milieu où mes idées sont écoutées et considérées, où la petitesse de l’entreprise fait que tout le monde se connaît, que tout le monde s’entraide et où la hiérarchie ne se fait pas sentir… C’est pour tout ça que je suis revenue dans mon ancienne famille professionnelle! »

Les 4 conseils de Charlène pour réussir une entrevue de départ

L’entrevue de départ est une dernière occasion d’obtenir de la rétroaction et de valider la cohérence de vos pratiques de gestion. Il s’agit de votre dernière chance, de votre dernier moment d’écoute active pour recueillir de précieuses informations.

Associée chez Humanify360, Charlène Brahim consacre son temps et partage ses talents à accompagner les entreprises dans leur stratégie de recrutement. Voici ses conseils:

  1. «Créez un espace sécuritaire et confidentiel afin de favoriser le partage. Établissez un climat de confiance et offrez l’option aux personnes interviewées de conserver l’anonymat lors de leur entrevue de départ.
  2. Soyez transparent.e. Communiquez clairement votre stratégie de diffusion des informations récoltées auprès des personnes interviewées. Mentionnez à l’employé.e ce que vous ferez des informations recueillies durant la rencontre, quelles informations seront partagées, la façon dont vous les communiquerez au gestionnaire ou à la direction, à quel moment, etc. Expliquez l’objectif derrière le partage de ces informations.
  3. Réalisez les entrevues de départ en personne (hors pandémie), par visioconférence ou par téléphone. Le non verbal et l’émotion sont aussi importants que les paroles qui seront échangées lors de cette rencontre. N’hésitez pas à vous former en synergologie si besoin.
  4. Réfléchissez et bâtissez votre questionnaire d’entrevue de façon à ce que les éléments abordés soient quantifiables et mesurables. Vous serez alors en mesure de corréler vos résultats avec, par exemple, votre sondage de climat organisationnel. Une rubrique «commentaires», volontairement qualitative, vous permettra d’identifier et de conserver d’autre points importants lors de vos entrevues ».

Votre employé.e a quitté et vous n’avez pas eu le temps de lui faire une entrevue de départ? Pas de panique!

Charlène vous rassure!  «Il est toujours possible de réaliser une entrevue de fin d’emploi plusieurs semaines ou plusieurs mois après le départ d’un.e employé.e. L’information n’est pas perdue, elle est toujours dans l’esprit de vos ancien.ne.s collaborateur.rice.s !» Charlène et son équipe sont d’ailleurs souvent mandatées pour effectuer les entrevues de départ pour des clients qui auraient jadis négligé cette étape, mais qui souhaiteraient dorénavant intégrer cette bonne pratique dans leur processus de fin d’emploi.

Méli-mélo des bonnes pratiques

En terminant, voici quelques bonnes pratiques lesquelles, je l’espère, sauront vous inspirer dans la réflexion de votre processus de fin d’emploi!

Faites travailler votre réseau!

Qui a dit que votre réseau ne devait être utilisé que pour votre propre bénéfice? Plusieurs me connaissent par exemple pour la création du groupe de partage et de collaboration Facebook Mes collaborateurs RH. La création de valeur est justement la mission principale de mon groupe. L’histoire partagée avec vous en début d’article démontre bien qu’utiliser son réseau professionnel peut s’avérer gagnant pour plusieurs personnes et à plusieurs niveaux. Alors pourquoi s’en passer?

Clapout chez Apple : l’art de célébrer la contribution

Rares sont les entreprises qui saisissent l’occasion lors d’une fin d’emploi de réellement remercier la personne pour sa contribution. Apple a créé un rituel bien à elle! Je ne vous en dis pas plus et je vous laisse visionner une des nombreuses vidéos disponibles sur Youtube pour mieux comprendre et vivre toute la puissance du Clapout chez Apple!

L’équipe carrière chez Nexus

Chez Nexus Innovations, le désir de passer de la « gestion de talents » classique à la « gestion d’évolution de carrière » pour permettre aux employé.e.s de suivre le chemin de carrière désiré leur a permis de nommer une équipe responsable du développement de carrière.

Cette équipe, composée de la responsable talent et culture, d’un expert conseil et d’un développeur, a pour mission d’accompagner les employé.e.s dans leur développement personnel et professionnel chez Nexus, à l’interne ou à l’externe, en combinant le souci du bien-être de l’employé.e et de l’entreprise.

Vous l’aurez compris, les responsabilités de cette équipe vont donc plus loin que la gestion interne de la carrière : les membres sont également responsables de bien réfléchir au offboarding.

« Lorsqu’il n’est plus possible pour un.e employé.e de s’épanouir à l’interne, pour une raison ou une autre, c’est important pour nous d’avancer vers une sortie gagnant.e/gagnant.e. Les départs sont souvent le parent pauvre en entreprise, alors qu’ils devraient le plus souvent possible se dérouler dans un contexte serein. Soigner notre offboarding nous permet de perpétuer notre mission, soit celle d’accompagner les employé.e.s dans leur développement personnel et professionnel, mais à l’externe cette fois-ci. C’est aussi pour nous un moyen de prouver que notre personnalité d’entreprise (nos valeurs, notre mission, notre vision) est bien cohérente du début à la fin du parcours d’un.e employé.e. », mentionne Claudia Lépine, Responsable talent et culture chez Nexus Innovations.

Neutraliser les entrevues de départ

« Réaliser les entrevues de départ en collaboration avec une firme ou un.e consultant.e externe permet d’offrir aux ancien.ne.s collaborateur.rice.s une neutralité et une objectivité dans l’entièreté du processus. Cette option offre souvent de meilleurs résultats dans la quantité mais surtout dans la qualité des informations partagées par les ancien.ne.s employé.e.s. » indique Charlène.

Questions-réponses (Q&R)

Rédiger une feuille-ressources de style questions et réponses (Q&R) est une bonne pratique à mettre en place dans votre processus de fin d’emploi. Il vous suffit simplement de réfléchir aux questions qu’un.e. employé.e remercié.e pourrait éventuellement se poser lors de sa fin d’emploi… et d’y répondre!

Des exemples de questions qui pourraient se retrouver dans votre document :

  • Quand recevrai-je ma dernière paye?
  • Est-ce que mes assurances collectives se poursuivront jusqu’à la date de ma fin d’emploi?
  • Ai-je le droit de contacter le PAE de l’entreprise?
  • Comment puis-je faire une demande d’assurance-emploi?
  • Qui pourrai-je contacter dans l’entreprise pour mes questions liées à ma fin d’emploi?
  • Pourrai-je donner le nom de mon gestionnaire en guise de références professionnelles?
  • Etc.

Il est évidemment recommandé d’insérer la liste de Q&R dans l’enveloppe qui sera remise à l’employé.e lors de sa rencontre de fin d’emploi.  Il.elle pourra la consulter une fois la poussière retombée.

Conseils & coaching en gestion de carrière

Si vous n’avez pas les moyens d’offrir un coaching individuel en transition de carrière à la suite d’un licenciement, rien ne vous empêche d’offrir des ateliers de groupe en gestion et transition de carrière pour ceux et celles qui souhaiteraient y participer une fois le choc de la fin d’emploi absorbé.

Bien former et outiller les gestionnaires

Certains employé.e.s remercié.e.s vivent de la colère, d’autres de la tristesse, etc. En tant que professionnel.le RH, il est important de bien outiller et de coacher les personnes qui doivent annoncer la mauvaise nouvelle, le cas échéant.

Une balado en bonus!

Si vous ne l’avez pas encore écoutée, je vous recommande la balado de Culture inc. : « #18 offboarding – la gestion des départs »  à laquelle j’ai eu beaucoup de plaisir à participer! C’est d’ailleurs ma collaboration à cette balado qui m’a poussée à rédiger cet article… merci Mathieu Hétu!

PSST! Le saviez-vous?

Soutien financier

Vous pourriez être admissible à une subvention de Services-Québec pour la mise sur pied d’un comité de reclassement lors d’un licenciement collectif. N’hésitez pas à communiquer avec votre conseiller aux entreprises!

 

Je veux me procurer la feuille de route pour bien préparer mon processus de fin d’emploi!

À lire – en complément:

Sources :

HR onboard 

FacteurH

Tout ce qu’il faut savoir sur la cooptation en recrutement

 



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